Al lizher Diwezhàn
Dousig, me skriv al lizher-se
Med d'am sonj e vo marteze
An diwezhãn rak rankãn
Laret deoc'h ar wirionnez bremãn
Dispartiet abaoe tri blé omp
Gant ar mor bras etre iomp
Da labourat e mein-glass
'Vid ar "Wing's corporation" bras.
Tri ble o zebri ar traezh du
Med te oar mar e oan a du
'Vid ar labour se da pell-vro
N'en doa ket ken ar choaz atav.
An amzer-mãn mabig oa ganet
Ha ganin n'eus implij ebet
Abaoe ar labour oa echu
Gant ar mein-glass e-barzh "Menez-du"
Abaoe ma labouran er vro man
Ma yec'hed zo falloc'h-fallân
Met gwir e, spi am boa atav
Da vezan pare 'raok ma distro
Selaou, diäes e da laret
Te oar n'on ket mat tamm ebet
Em skevent ez eus un tan bev
Evel ma analen aer berv
Er mintin-mãn me m'eus klevet
E kichen ar Medisined
Diwar va fenn e oant o laret
Ne chom ken ar goanag nemet
Krignet on e-barzh gant ar boultrenn
Med amãn n'on ket ma-unan den
Ken taget on gant an derzhienn
Hiziv na c'hallan ket sevel
Setu an noz, hag eus ma gwele
E welan gouleier-ker
Nec'het on 'vid ho taou ennoc'h
Rak ne c'hellin ken kas netra deoc'h
Gra mat war dro Mabig, lar dezhan.
Ne zeuio ket e dad an tammklãn
Ken em bije karet ho priatan
Na deu ket d'am gwelout amãn
Med pa serran va daoulagad
E welan da zremm hag
An deiz ma ne zigoront ken
Da skendenn bepred e kasin
Setu ar fin d'al lizher-mãn
Rak en em sentan skuizh un tamm
Ac'hanout, blam' da garan
Hag ouzhpenn da garout a ran...
Hôpital de San-Régo,
le 21 mars 1981.
Ma douce,
Cette lettre que j'écris sera sans doute la dernière car cette fois, je dois te dire la vérité.
Voici trois ans aujourd'hui que l'océan nous sépare et' que j'ai commencé ce chantier à la mine de la Wing's Corporation.
Trois ans que je mange de la poussière chaque jour ; mais tu sais bien que si j'ai accepté cet emploi à l'étranger malgré ma santé, c'est que nous n'avions pas le choix à cette époque là.
Il y a trois ans, au moment où naissait notre fils, fermaient une à une les carrières d'ardoises du Menez-du, et j'ai erré trop longtemps en vain pour trouver un nouvel emploi.
Depuis que je travaille dans ce pays, j'aurais dû te dire que ma maladie s'aggravait, mais j'espérais me rétablir avant mon retour.
Ecoute-moi ; tu sais, je ne vais pas bien du tout. Il y a dans mes poumons, un feu incessant, comme si je respirais de l'air brûlant.
Ce matin, j'ai entendu les docteurs qui parlaient à mon sujet dans le couloir. Ils disaient qu'ils ne peuvent plus rien pour moi et qu'il ne reste que l'espoir.
Cette satanée poussière m'a rongé l'intérieur mais je ne suis pas le seul ici.
Aujourd'hui la fièvre m'a empêché de me lever.
A présent la nuit tombe, et, de mon lit, je vois la ville qui s'allume.
Je pense à vous deux et je suis inquiet car je ne pourrais plus rien vous envoyer.
Prends bien soin du petit et dis-lui que son papa ne viendra pas.
J'aurais tant aimé vous embrasser, mais je t'en prie, surtout, ne viens pas me voir.
Tu sais, quand je ferme les yeux, apparaît ton visage, et, si un matin ils ne s'ouvrent plus, j'emporterais à jamais ton image.
Je termine cette lettre car je me sens un peu fatigué. Je t'aime, je t'aime, je t'aime...